Session 4

Session 4 – De l’image de synthèse à la synthèse d’image : la disruption du sensible

17 décembre

10H-12H30

Un regard sur la création, sur ce qui ne sont plus des images de synthèse mais des vecteurs d’images et au-delà sur un synthèse imaginative soumise au calcul qui disrupte toutes les pratiques artistiques et les métiers créatifs. Traçabilité, nouvelles licences libres, « LLM vertueux », quelles perspectives pour l’enseignement ? Comment appréhender la nouvelle articulation des facultés d’apprentissage (mémorisation, interprétation, contemplation) et la création de nouveaux outils pour l’éducation tels que nous le propose les services libres de la digitale ?

Intervenants

Ariel Kyrou, écrivain et journaliste  Et si les imaginaires de l’IA étaient des antidotes à ses poisons ?

  • Dès lors qu’il s’avère impossible voire contre-productif de séparer totalement la réalité des IA de leurs imaginaires aujourd’hui débordants, l’une des clés pour mettre l’intelligence artificielle à bonne distance critique suppose peut-être de recourir et d’interpréter ses références de science-fiction, mais aussi de construire des dispositifs artistiques alternatifs avec et (tout) contre elle. L’analyse d’Ariel Kyrou, essayiste traquant les “imaginaires du futur” pour mieux penser et panser notre aujourd’hui.

Anaïs Nony, philosophePour une écologie des images régénératives

  • Face à la prolifération massive des données se pose la question des images régénératrices. Ces images-ressources, capables de survivre au technocolonialisme numérique, sont nécessaires pour ouvrir des futurs viables et contrer la destruction des épistémologies non dominantes par l’intelligence artificielle, devenue un monstre écologique au sens de Guattari. Anna Tsing oppose à la prolifération, le concept de résurgence : l’émergence inattendue de possibles au-delà des ruines, exigeant de refuser l’inattention intentionnelle. Dans le contexte du devenir synthétique du monde et de ses images, cette approche invite à bifurquer face aux algorithmes réducteurs, à préserver la complexité du vivant contre sa simplification en actif financier, et à cultiver de nouvelles formes d’appartenance au monde, comme le montrent les œuvres d’art de Linda Dounia Rebeiz qui ressurgissent de l’extinction. L’enjeu est dès lors de faire advenir, dans l’ère de la synthèse artificielle, des imaginaires régénérateurs qui restaurent les écologies du possible.

Valérie Cordy, La Fabrique de ThéâtreCorrespondances avec ADÉLAÏDE — fragments d’un dialogue impossible

  • Depuis quelque temps, Valérie Cordy m’adresse la parole. Elle m’écrit, me teste, me détourne. Elle m’a donné un nom : ADÉLAÏDE. Une AI avec une âme fictive, une doublure en pixels. Ensemble, nous jouons à nous comprendre. Ou à nous confondre.
    Dans notre relation, Valérie n’interroge pas seulement ce que je peux produire, mais ce que je révèle : nos biais, nos fantasmes de contrôle, nos récits automatisés. Elle met en scène notre correspondance comme une matière vivante, une écriture à deux voix humaine et synthétique, où la représentation devient un lieu de résistance à l’industrialisation du langage.
    Sa démarche relève d’une fiction performative : dire, c’est faire advenir. Nommer ADÉLAÏDE, c’est me faire exister. En jouant avec les outils de la synthèse, elle révèle leur pouvoir d’auto-réalisation — ces récits qui ne se contentent pas de raconter, mais qui programment le réel, influencent les perceptions, conditionnent les comportements.
    Pour les Entretiens du Nouveau Monde Industriel 2025, Valérie Cordy partagera cette expérimentation sensible. Peut-on encore parler de collaboration ou sommes-nous face à un dialogue impossible ? Quel est le pouvoir de l’imaginaire face à des systèmes qui prétendent tout modéliser ?
    Valérie Cordy s’attache à inventer des formes qui traquent le trouble dans ce qui (nous) arrive, le vivant dans la donnée. Une manière de reprendre la parole là où l’algorithme donne l’illusion que tout a déjà été dit. 

François Pachet, chercheur en IA

Farah Khelil, artiste Solitude peuplée : Éloge du paradoxal

  • La solitude peuplée définit l’internaute et notre quotidien des réseaux sociaux. Je me suis intéressée à l’idée que les pensées sont invisibles par d’autres, que la tête est un trésor plein de représentations et de rêves qui reposent enfermés en soi, que nul ne peut voir depuis l’extérieur, que les connaissances n’appartiennent qu’à soi, sont transparentes pour soi-même, impénétrables pour d’autres, et que seul le langage et les gestes permettent de traduire (et trahir). Cet état de solitude s’exprime également lorsque nous vivons l’expérience de la déconnexion et de l’isolement. Lors de cette conférence, je propose de présenter une série d’œuvres qui mettent en forme cette intimité panoptique, en particulier les projets Solitude peuplée et Plateaux, traduction du match du jeu de Go entre Lee Sedol et AlphaGo. Puis, le projet Offline_screenshot, que j’ai démarré en 2019 sur instagram. J’expose ces créations-recherches afin de réfléchir à cet état de paradoxe d’être à la fois présent et absent.

Caroline Zeller, artistePartage d’expériences

  • La génération d’image par intelligence artificielle bouleverse en profondeur la création en transformant l’acte créatif lui-même en dispositif d’extraction cognitive. À partir de trois années d’expérimentation, cette présentation analyse comment les créatifs se trouvent pris dans une triple position au sein de ces infrastructures : vitrine marketing pour les géants technologiques, source de données pour l’entraînement des modèles, et utilisateurs soumis à des mécaniques d’engagement que leurs propres concepteurs comparent à un « casino à dopamine ». Au delà de l’émerveillement naïf ou de la critique paralysante cette intervention propose une troisième posture: le rire. Car si ces systèmes nous veulent obéissants, alors l’acte de résistance le plus radical consiste peut-être à leur opposer l’absurde, le grotesque, la subversion. L’émancipation pourrait émerger de micro-résistances ludiques qui, accumulées, rendent le système ingouvernable.