Session 2 : L’intermittence du vivant : pathologies et régénération
Lundi 29 novembre – 13h30-16h30
D’où tirons-nous l’idée que les humains, les autres animaux et même les écosystèmes peuvent être automatisés pour fonctionner comme des machines ? Ne faut-il pas apprendre à penser la vie comme une intermittence, une composition d’automatisation et de désautomatisation ? L’idéologie dominante de la vie-comme-production est plus récente qu’on ne le pense. Elle procède de l’industrialisation émergeant à peu près en même temps que la thermodynamique qui fonde l’énergie comme unité abstraite de mesure du travail. Mais l’industrie reste focalisée sur le concept d’efficacité, allant jusqu’à chercher à augmenter notre capacité de travail au niveau génétique, comme cela est promu par le transhumanisme. Le vrai défi n’est-il pas de configurer la société, et une nouvelle théorie de la résilience, autour de l’intermittence de la vie ? A partir d’une histoire des concepts de temps en mathématique, on s’interrogera ici sur l’origine scientifique des décalages vitaux entre homme et machine.
Interventions :
Giuseppe Longo – CNRS-ENS
Les formes du temps : vivant, inerte, machine
En physique, le temps coïncide avec sa mesure, y compris le temps irréversible de la thermodynamique. Les philosophes ont souvent parlé d’un temps vécu, avec ses “durées’’ propres. Il s’agit maintenant d’envisager le temps du vivant dans sa propre irréversibilité, qui s’ajoute à celle que l’on décrit en physique. Le temps du vivant est alors à articuler sur plusieurs dimensions : celle du temps thermodynamique, celle du temps historique et celle des rythmes internes et externes. Pour les organismes, cette articulation est au coeur de la constitution évolutive (phylogénétique) et développementale (ontogénétique) ainsi que du « sens ». Elle permet de cerner des durées pertinentes, caractéristiques de toute activité, qu’elles soient internes à un organisme ou externes, donc dans un écosystème, voire dans une société.
Pierluca D’Amato – Durham University
Intermittent life: on entropic drifts and their technical channelling
For the physicist Erwin Schrödinger, life can be described as a dynamic struggle against entropy. Indeed, while organisms cannot arrest the entropic drifts they endure, they can resist them through their metabolic activity. Yet, the behaviours that characterise living beings are not exerted with continuity: living beings do not reproduce or nourish themselves continuously, but rather intermittently. This begs the question: how does this intermittence of life relate to the entropic drifts endured by organisms?
That of intermittence is a notion we can find rather underdeveloped in the philosophy of exorganic life of Bernard Stiegler, assuming today important socio-political implications in relation to technology and the original Aristotelian definition of the difference between plants, animals and humans. How do humans resist entropic drifts when they are not exerting the capacities that distinguish them from animals and plants? And how are these capacities mediated by the current state of our technosphere, when this is understood as the machine channelling most human entropic drifts?
This paper will define the idea of the intermittence of life and propose a line of inquiry that relates its most eminent biological manifestations to our technosocial milieus. Deploying some of Stieglers’ concepts, the paper will connect the notion of intermittence to that of entropy and, addressing how entropic drifts are channelled via technologically mediated processes, it will argue for the necessity to elaborate a pharmacology of intermittence.
Maël Montévil – CRNS
Intermittence, rythmes et anti-entropie dans le vivant
Le vivant comporte bon nombre de rythmes : des rythmes ayant une origine externe, comme les rythmes circadiens ou circannuels, et des rythmes internes comme les cycles cardiaques et respiratoires ou le rythme des générations. Quel est le lien entre ces rythmes, le maintien des organisations biologiques face à la croissance tendancielle de l’entropie, mais aussi les changements d’organisation biologiques?
Plus précisément, une organisation biologique doit être considérée comme le résultat singulier des histoires évolutives et développementales, et comme parvenant à durer du fait même de cette singularité, par le maintient actif des parties d’un organisme. Cet aspect du vivant constitue ce que nous appelons anti-entropie. La production d’anti-entropie, elle, correspond à l’approfondissement de cette singularité, par l’apparition de nouveautés fonctionnelle. Au prisme de ces concepts, nous discuterons les cas du sommeil, typiquement associé à un rythme externe, et de la succession des générations, correspondant à un rythme interne.
Eben Kirksey – Deakin University
Viral Politics and Microbiopolitics
Viruses are disrupting conventional political sensibilities. The force of these invisible agents has reverberated across scales—interrupting molecular processes within cells, the predictable functioning of organs and bodies, as well as political, economic, and cultural systems. Public health officials have tried to “combat” the novel coronavirus, mobilizing rhetoric about warfare, as they brought everyday life to a standstill. As global health biosecurity programs have failed to achieve a final solution, experiments in living with the virus are underway around the world. Mass mortality events have been shaped by racism, capitalism and colonialism. Newly recognized essential workers are being propelled into dangerous and vulnerable situations. Fake news and disinformation has gone viral. Scientific knowledge has taken on new political significance. As people protest lockdown restrictions, modes of knowing, being, and living are at stake. A global “anthro pause” took place, as relations among humans, animals, plants, and ecological systems were reconfigured on a planetary scale. Perhaps the figure of Gaia has intruded, interrupting modernist epistemologies and ontologies that separate nature from culture, the human from the non-human. If certain modes of human existence were tolerated by planetary ecologies in the before time, now might be the time to recognize that previous configurations are untenable.