Session 6 : Pratiques capacitantes du numérique : designer l’intermittence
Mardi 30 novembre – 17h00-19h30
La pandémie de Covid-19 a souligné avec emphase les deux faces du pharmakon numérique : toxique et curatif, nous permettant de mieux saisir les limites des gestes physiques, tout en renforçant simultanément l’emprise de plateformes démesurément souveraines. Comment cultiver la capacité des technologies numériques à construire des communautés apprenantes ? Quel design du temps, des rythmes et des échelles pour de nouvelles intermittences technologiques, sociales et politiques ? Quelles architectures informatiques, quels outils pour la production contributive de nouveaux médias, de nouveaux réseaux sociaux, de modélisations numériques ou de jeux ?
Interventions :
Anne Asensio – Dassault Systèmes
Le Design peut-il contribuer à la transition de nos modes de vie?
Igor Galligo – ArTeC / Noödesign / Costech
L’intermittence des Gilets Jaunes. L’enjeu des Automédias
Une des singularités du mouvement des Gilets Jaunes dans l’histoire des luttes sociales et politiques françaises a résidé dans une réinvention des espaces politiques, qui a notamment consisté en une double réappropriation et performation politiques (Butler) des ronds-points routiers et des réseaux sociaux numériques, en particulier Facebook, Discord et Youtube. C’est une véritable noö-politique de l’intermittence qui a été expérimentée par leurs usages en permettant d’introduire des temps de ruptures puissants avec l’aliénation productiviste décrite par Marx, Weil ou plus récemment Lazzarato. Coups de gueule et larmes exprimés, témoignages partagés et écoutés, récits et rêves racontés, fraternité et fierté retrouvées, le monde a été maintes fois assassiné et refait. Mais c’est aussi des temps longs de discussion, de réflexion et de délibération politiques qui ont pu être développés grâce à l’organisation d’ateliers collectifs. C’est encore d’autres temps élaborant, préparant et coordonnant des actions politiques inédites qui ont pu voir le jour. Travail, transport, écologie, justice, fiscalité, etc. ont ainsi été réfléchis et débattus pour faire l’objet de programmes et d’actions politiques. Cependant, il faut remarquer que le confinement imposé par la politique sanitaire de lutte contre la pandémie du Coronavirus n’a pas seulement étouffé la possibilité d’un passage à l’acte transformateur des Gilets Jaunes, mais elle en a aussi dissoute l’effervescence noölogique et démocratique née sur les ronds-points, quand bien même certains ont voulu croire à un redéveloppement du mouvement par et sur des voies exclusivement numériques. Différemment, on observe aujourd’hui une réorientation partielle de ses objets de lutte sur la thématique d’un « complot politico-sanitaire », dont les processus d’échanges et de production de connaissances se trouvent transformés par le pharmakon numérique. Peut-on alors supposer que la technicisation du mouvement des Gilets Jaunes – qui consistait initialement dans une association du dispositif des ronds-points et de l’appareillage des GAFAM – ne permet plus de développer le même potentiel politique dès lors qu’il ne se réduit qu’à une médiation de ses acteurs.rices par l’organologie du capitalisme numérique ? Notre propos tentera de comprendre l’évolution des thématiques des luttes du mouvement des Gilets Jaunes à partir de celle de ses dispositifs et médiations technologiques et des biais que ceux-ci déterminent dans la sphère noölogique sur les processus d’interaction collective, d’observation, de fictionnalisation, de réflexion et de projection qui construisent la Vérité – dont la démocratie ne peut se départir. Comme modèle de notre étude, nous nous intéresserons à la figure médiatico-politique nouvelle de l’Automédia, qui a surgi avec force au sein de mouvement des Gilets Jaunes, et des tensions techno-sociales qui la traversent, prise entre désir d’autonomie radicale et puissance d’automatisation numérique, territorialisation des sources et extra-territorialisation de la communication. C’est alors peut-être à un nouveau design de l’information, empruntant (entre autres) à l’intermittence de la fiction contre le terrorisme mainstream de la factualité, que le genre automédiatique nous amènera à rêver à de nouveaux chemins reliant vérité et démocratie.
Giacomo Gilmozzi & Riwad Salim – Institut de recherche et d’innovation
Sylvain Le Bon – Startin’Blox
Jusqu’où le numérique peut-il transformer les organisations ? A travers les exemples de Happy Dev, réseau d’indépendants du numérique, et de Startin’blox, éditeur open source d’applications web fédérées, nous avons pu expérimenter de nouvelles relations de travail, en questionnant les systèmes hiérarchiques, la centralisation de la propriété intellectuelle et la subordination. Le numérique impose la plateforme comme centre de médiation dans tous les secteurs et vient challenger toutes les entreprises sur leur organisation mais aussi leur modèle économique. Mais la manière de construire ce numérique est cruciale pour les entreprises, entre main-mise des grosses plateformes sur les marchés, et reprise en main des outils numériques par tous les acteurs de l’économie.