Session 2



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Exosomatisation, calculabilité et traitement de données

Au-delà de l’extraction corrélationniste de patterns qui caractérise les big data et les data sciences telles que les présente par exemple Chris Anderson[1], la vie et la santé sont irréductibles à une approche purement et simplement computationnelle. Telle que Georges Canguilhem l’a pensée dans Le normal et le pathologique, la santé, en contexte exosomatique, est toujours l’invention d’un nouvel art de vivre par un être qui “se rend malade” par ses techniques mêmes (l’être humain). Cette invention constitue ce que Canguilhem appelle une normativité qui est foncièrement ancrée dans une modalité spécifique de l’anti-entropie telle que, productrice de “bifurcations”, elle échappe précisément à la calculabilité.

[1] https://www.wired.com/2008/06/pb-theory/

 

Intervenants et résumés

    • David Berry (Digital humanities, Sussex university)



  • Wendy Chun (informaticienne et media studies, Brown university)

    Habit and Exosomatization: the Collective Non-conscious

    This talk will examine the role of habit in machine learning algorithms. Drawing from Hume, it will argue that we are now entwined as a monstrous chimera through our actions, which are always interpreted as symptomatic–that is, as habitual. Most provocatively it suggests that Big Data is the bastard child of psychoanalysis.

     

    Traduction :

    Habitude et Exosomatisation : le Non-conscient collectif

    Cette présentation porte sur le rôle de l’habitude dans la conception d’algorithmes d’apprentissage automatique. Inspirés par Hume, nous discuterons du fait que nous sommes désormais tels des chimères monstrueuses, enchevêtrés dans nos actions, actions toujours interprétées comme étant symptômatiques, c’est à dire habituelles. De façon volontairement provocante, nous suggérons que le Big Data est l’enfant illégitime de la psychanalyse.



  • Giuseppe Longo (mathématicien, Ecole Normale Supérieure de Paris) – “La machine à états discrets et les images du monde”

La physique et la physique-mathématique, au passage entre le XIXe et le XXe siècle, posent au centre de leur développement la question de la mesure. D’une part, l’intervalle dans le continu de la mesure classique et relativiste, de l’autre le discret, voire le 0 ou 1 (le spin-up ou down “sans causes”) de certaines mesures quantiques, bouleversent la connaissance scientifique. Ce bouleversement met en évidence le rôle de cette forme de “accès au monde” au coeur de la science : la mesure des phénomènes. Celle que Réné Thom appellera l’aporie fondamentale des mathématiques, le jeu discret/continu, se manifeste ainsi en physique: la mesure est l’interface, elle est la “peau” des théories physiques; ses valeurs, intervalle continu ou valeurs numériques exactes, discrètes, changent l’accès, le regard sur le monde. En microphysique on dira: quand le discret arrive, la causalité s’en va.

Ensuite, la machine à états discrets, l’ordinateur moderne, inventé dans les année ’30 pour répondre négativement à la prétendue toute puissance du discret arithmétique, c’est-à-dire à la complétude de la théorie formelle des nombres entiers, 0, 1, 2, 3, …, imposera une nouvelle image du monde. Elle se base sur un dualisme radical, logiciel vs matériel, très efficace, nouveau départage esprit-corps où des seuils électriques jouent le rôle de la glande pinéale. Les dynamiques et la causalité physique sont remplacées par un système d’écriture alpha-numérique et de re-écriture de ces signes selon des règles logico-formelles de transformation scripturales. Quelle image du monde, quels comportements cette machine extraordinaire nous propose ? Est-ce vrai que le dénombrement de régularités statistiques des Big Data peut permettre de prédire et guider l’action ? Que veut dire cette perte du ”sens”, cette praxis sans intelligibilité qui force un ”champ moyen”, car il renforce les tendances dominantes ? Comment utiliser au mieux ces réseaux qui mettent la connaissance de l’humanité à la disposition de l’humanité entière, qui peuvent faire dialoguer les diversités, voire accroître la diversité et la singularité humaine, mais qui risquent aussi de ”normaliser” ceux qui sont loin et différents ?




  • Thibault D’Orso (co-fondateur de la société Spideo), Protection des données personnelles : obstacle ou opportunité pour l’innovation technologique ?

    Dans le secteur des médias, comme dans la plupart des secteurs de l’industrie culturelle, les données personnelles sont précieuses, surtout quand il s’agit de les mettre en relation avec des systèmes de recommandation. Les utilisateurs et les régulateurs s’attachent à faire respecter la protection des données selon quelques principes essentiels (transparence, nécessité, pertinence, etc.). Alors que la protection des données personnelles est considérée comme un obstacle par certains acteurs technologiques, Spidéo s’est construit au contraire avec la conviction qu’il s’agit non seulement d’une contrainte salutaire mais aussi d’un tremplin pour l’innovation technologique. Du point de vue de la confidentialité des données, tous les systèmes de recommandation ne se valent pas, loin s’en faut. En déplaçant le focus principal de la donnée de l’utilisateur vers le contenu, une voie existe pour permettre de réconcilier « l’expérience » de l’utilisateur avec son intérêt personnel.

Mardi 13 décembre – après-midi



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Vidéo Session 2 – 1

Vidéo Session 2 – 2