Session 3

Session 3 : Le jeu du geste digital

Lundi 18 décembre – 16h30-19h00


Aller au-delà du calculable, (dé)jouer l’empire du calcul, n’est-ce pas, dans le jeu, pouvoir aller au-delà de la question de l’espace pour penser un lieu, ou plus précisément un « avoir-lieu » ? Ré-introduire ainsi le mouvement, le geste et in fine la question du temps ? La courte histoire du jeu vidéo nous enseigne à quel point cette importance du geste dans le play ne se réduit pas à la conception d’une interface gestuelle. Le « joypad » a aussi sa pharmacologie. Cette session propose de croiser différentes perspectives théoriques et pratiques sur le rôle du geste et des représentations/interfaces temporelles pour favoriser l’exploration et l’interprétation d’un milieu numérique par nature soumis à l’entropie du calcul.

Nicolas Nova (socio-anthropologue des cultures numériques)

Collectionner, modifier, détourner : jouer avec les machines

Si les consoles, les ordinateurs et leurs périphériques sont en général appréhendés comme le moyen de jouer à des jeux vidéo, une dimension ludique distincte existe aussi dans la relation matérielle avec les machines elles-mêmes. Celles-ci sont en effet l’objet de pratiques de collection et d’archivage, mais également de modification (modding) ou de détournement (hacking) en tout genre. Et cela, tant par des designers ou des artistes que par des amateurs ou des structures patrimoniales. Sur la base d’une enquête de terrain en cours à propos de la réutilisation des rebuts du numérique, cette présentation abordera les diverses formes de cette dimension ludique. Elle illustrera en quoi ces différentes activités relèvent d’une forme de jeu, d’exploration, et montrera en quoi en résulte la production de savoirs et de savoir-faire sur le fonctionnement de ces objets techniques, ainsi que leur réparation ou le prolongement de leur durabilité.

Frédéric Bevilacqua (directeur de recherche IRCAM, Interaction Son Musique Mouvement)

La musique et ses gestes à l’ère du numérique : jouer de, par ou avec ?

Jouer de la musique ou participer à un jeu musical ? Et par quels gestes ?  Les interfaces et environnements de musique numérique permettent de concevoir des situations inédites où les différentes sémantiques du jeu peuvent se superposer ou se contredire. Jouer de musique électronique questionne également fondamentalement la définition de l’instrument, ses interfaces et ses gestes. Le design – de l’instrument, l’interaction, des gestes – y devient un enjeu essentiel. Ces questions seront abordées à travers plusieurs exemples, issus de travaux de recherche, de notre équipe et de différentes communautés, ainsi que de l’industrie.  

Brice Roy (philosophe, game designer, directeur ICAN)

Qu’est-ce qu’un Spielzeug ?

Dans le domaine ludique, deux types d’objets techniques se distinguent : ceux dont le joueur se sert pour pouvoir jouer ; ceux avec lesquels il joue et s’amuse (poupée, ballon, cheval à bascule, etc). On appelle “jouets” cette deuxième catégorie d’artefacts – “Spielzeug” en allemand, ce qu’on peut traduire littéralement par “outil-à-jouer”. On montrera en quoi le cas du “Spielzeug” offre l’opportunité de penser à nouveaux frais les rapports du joueur à la technique, par-delà les concepts heideggériens de Vorhandenheit et Zuhandenheit.

Vincent Puig (Institut de recherche et d’innovation)

Le jeu du geste digital

Le jeu vidéo est un paradigme exemplaire d’une nouvelle articulation du calculable et de l’incalculable où le geste comme continuum reste le lieu d’exploration d’un plaisir (« play ») qui se confronte à de nouveaux processus de discrétisation, de grammatisation et de règles (« game »). Mais ce geste dispose-t-il encore de suffisamment de « jeu » dès lors que même les notions d’agilité et de dextérité font l’objet d’une normalisation en vue d’un calcul ? A travers certains projets conduits à l’IRI et dans le contexte de l’organologie introduit par Bernard Stiegler, on tentera d’explorer une nouvelle forme d’écologie du milieu digital où geste et calcul sont producteurs de savoirs.