Entretiens Préparatoires

Invitation

Enregistrement de la réunion préparatoire du 14 octobre 2015

Enregistrement de la réunion du 8 septembre 2015

Enregistrement de la réunion du 29 mai 2015

Nous vous invitons aux prochaines séances du séminaire préparatoire aux Entretiens du nouveau monde industriel 2015 qui s’inscriront cette année et à leur manière dans le cadre des contributions à la conférence des Nations Unies sur le climat (COP 21) qui se tiendra à Paris du 30 novembre au 11 décembre.
Par cette référence qui sera fortement revendiquée dans l’argument invitant à ces journées des 14 et 15 décembre, nous voulons mettre en évidence les processus entropiques qui prolifèrent à travers le fonctionnement actuel du Web – au détriment de la néguentropie et comme dans tous les secteurs de la vie industrielle, malheureusement – non seulement du fait de l’énorme consommation énergétique des data centers, mais par les effets ruineux de la réticulation de plus en plus automatisée et computationnelle sur le plan noétique, et par voie de conséquence, sur les relations sociales de moins en moins socialisées et de moins en moins relationnelles.
Contrairement à leurs promesses initiales, le web et plus généralement les plateformes de réticulation numérique n’augmentent pas – dans la plupart des cas – la diversité des points de vue, ni ne permettent leur confrontation à travers le dialogue ininterrompu que constitue toujours une culture en tant que précisément elle cultive ce que l’on pourrait appeler une noodiversité.
On pourra et il faudra croiser ces questions avec Controll and freedom, de Wendy Hui Kyong Chun, qui montre que l’internet – qui fut accueilli comme le medium de la liberté – est basé sur le contrôle, et qui se demande comment un tel paradoxe (sinon un tel leurre) aura été possible.
Quant à nous (l’IRI), nous pensons qu’il faut distinguer le web du réseau dont il a rendu l’accès possible par tous en y installant une logique précisément néguentropique (promettant une liberté nouvelle précisément en cela) et qu’il faut le réinventer en réaffirmant cette vocation néguentropique comme le trésor qu’une nouvelle politique attentive à diminuer l’entropie généralisée que constitue l’Anthropocène (et qui est le véritable enjeu de la COP 21) devrait protéger à tout prix – en lançant pour cela une nouvelle politique industrielle de recherche et de développement en particulier en Europe.

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C’est parce que cette évolution massivement entropique et donc toxique est ressentie par tout un chacun que les révélations d’Edward Snowden ont déclenché un renversement de point de vue et une prise de conscience qui reste cependant encore très tâtonnante.
C’est dans ce contexte et à partir de l’assertion de Lawrence Lessig selon laquelle « code is Law » qu’il faut repenser et considérer l’architecture du Web comme une condition déterminante de développements aussi bien que de régressions des processus intellectuels et sociaux, en ne l’appréhendant pas comme un donné indépassable, voire naturel, mais comme une artefacture qu’il est aujourd’hui non seulement possible mais indispensable de changer – cf. sur ce point l’article joint de François Nemo, Bruno Teboul, Ariel Kyrou et Yann Moulier-Boutang.
C’est dans cette optique que Christian Fauré proposera une analyse de la « block chain » du système bit coin, et analysera en quoi « le livre de compte » de la plateforme conditionne et transforme la production de valeur. Ce sujet est à rapprocher de celui que traitera Geert Lövink – que nous allons inviter à intervenir dans le séminaire de septembre soit en présence, soit par skype, soit par une vidéo enregistrée au cours de cet été.
C’est notamment sur cette question de l’architecture qu’il importe de bien différencier l’Internet, le Web et leurs histoires respectives, ce qui sera l’objet d’un échange entre Dominique Cardon et Bernard Stiegler, et qui sera appréhendé à partir de la distinction opérée par Christian Fauré entre technologies de transport et technologies de transfert.

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La problématique des objets connectés que nous avions traitée en 2009, et, par extension, celle des villes connectées devenant des « smart cities », produit une nouvelle réticulation du Web que l’on dénomme parfois en Allemagne le Web 4.0, et pour laquelle nous inviterons Pierre Guehenneux, de Vinci construction. Cette thématique devra également intégrer l’évolution des automatismes dans le champ de l’additive manufacturing tel que l’appréhende Olivier Landau, tout aussi bien que de la conception dans ses rapports au prototypage comme plateforme de production collective de néguentropie et dans son articulation avec l’« usine du futur ».
Cet axe qui est au cœur des préoccupations de Strate école de design – qui nous accompagnera avec ses étudiants tout au long de ces travaux –, et pour lequel nous inviterons nos partenaires de Dassault Systèmes et les prospectivistes de PSA, est l’un des grands enjeux du projet de territoire école en cours de développement dans la communauté d’agglomération Plaine Commune.

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Il convient enfin de reprendre la réflexion sur la gouvernementalité algorithmique entamée à Mines Télécom avec Antoinette Rouvroy et Dominique Cardon l’année dernière dans le séminaire sur « la vérité du numérique » (juillet 2014), et à nouveau au début 2015 avec Thomas Berns, pour se demander dans quelle mesure (et démesure) le discours de Chris Anderson sur le calcul intensif et la conséquence qu’il en tire, à savoir la « fin de la théorie », constitue aujourd’hui un fait qui tend à constituer la norme, cependant que la norme, dans les sociétés politiques, était jusqu’alors constituée par le droit qui dépasse les faits (y compris en sciences : là réside précisément la nécessité de la théorie qu’il faudrait également appréhender d’un point de vue néguentropique et en se référant à ce que Whitehead nomme la « fonction de la raison »).
Pour formuler cet enjeu de façon beaucoup plus pratique, nous nous demanderons comment un web herméneutique – c’est à dire néguentropique – peut se développer non pas contre le calcul intensif (réalité des « big data »), mais avec lui, par lui, mais mettant en cela les automatismes au service de la désautomatisation comme capacité à produire des bifurcations néguentropiques.
Comment peut-on et doit-on distinguer la singularité incalculable de la particularité calculable, et par quels architectures et formats d’échange ? Si les « big data » ont mis fin à la perspective du web sémantique, elles ouvrent la question de ce que nous appelons en ce sens le web herméneutique. Comment des technologies néguentropiques d’analyse de données et de social engineering sont-elles possibles ?
Ces questions sont aussi celles d’un machine learning qui ne serait pas mis au service de la prolétarisation généralisée des humains, mais d’un agencement entre noèse et technèse (et entre raison interprétative et entendement analytique automatisé), Antoine Mazières nous proposant pour ouvrir ce débat d’inviter Olivier Grisel. En outre, Yuk Hui et Harry Halpin reviendront sur leurs précédents travaux dans ces domaines.
Enfin, les travaux que nous menons en ce moment avec le CEA, le CNRS, la Sorbonne, Médiapart et France-Télévisions sur une éditorialisation savante accessible à tous trouveront ici l’occasion de faire un rendu public sur nos investigations en ces matières dans les domaines de l’Histoire et de l’Astrophysique.

Vincent Puig et Bernard Stiegler