Software studies, digital humanities, digital studies
De même que Foucault avait mis l’étude des traces et technologies de l’archive qui constituent toute épistémè au coeur de son projet d’archéologie des savoirs, les software studies, qui explorent la question de l’algorithme, et qui sont largement inspirées par les questions, les hypothèses et les pratiques du free software, se sont développées entre informatique théorique, pratiques artistiques et projet social. Pendant ce temps, le paradigme des digital humanities s’est imposé un peu partout dans le monde. Mais est-il possible de questionner le numérique dans les sciences de l’homme et de la société sans le faire aussi dans les sciences mathématiques, les sciences physiques, les sciences de la vie, etc. ? Quel est alors le statut des savoirs matérialisés et appareillés par le numérique, notamment par la modélisation et la 3D et dans tous les domaines de la vie au regard des sciences de la cognition ?
INTERVENANTS
Bruno Bachimont
Le nominalisme des humanités numériques. Les humanités numériques sont encore un projet mais les caractéristiques qu’on peut en saisir surgissent largement des possibilités issues de la constitution de larges corpora numériques qui se prêtent à une investigation systématique et calculatoire. Nouvelles phénoménalités, nouveaux paradigmes pour dégager tant des concepts qu’un rapport sans doute nouveau au savoir, ces matériaux numériques apportent avec la masse d’information la promesse d’une rigueur scientifique nouvelle et d’approches quantitatives et formalisées. Présentées ainsi, les humanités numériques ne seraient somme toute que l’aboutissement d’un long processus de nominalisation dont les principes se sont dégagés au 13 et 14e siècles. Que ce soit le fait de rapporter le monde à des données, de préférence vues comme des triplets RDF selon les propositions du Web des données / web sémantiques, que ce soit l’interprétation statistique sur des données comprises comme des séries, ce nouveau nominalisme s’abstient de toute interprétation préalable des données pour ne les considérer que comme des faits devant permettre de construire de nouvelles descriptions du monde. A l’instar de la révolution nominaliste médiévale qu’on a dit préfigurer les sciences de la nature en proposant un nouveau rapport aux choses, les humanités numériques pourraient être à l’orée d’un tel bouleversement dont il convient tant de deviner les contours que d’en critiquer les limites et les préjugés.
Hidetaka Ishida
Hybrid Reading et Digital Studies. La lecture aujourd’hui est foncièrement hybride : multi-modale et à l’interface homme-machine, assistée par dispositif d’indexation, mémoire artificielle, réseaux sociaux, captée en temps réel par machinerie de traçage, analysée et visualisée par mining system, etc.
Après avoir dirigé des projets pour les plateformes d’analyse des média d’images et les archives des média, je m’occupe depuis cette années de la conception d’une « bibliothèque hybride (hybrid library) » pour l’Université de Tokyo.