Le numérique comme écriture et la question des technologies intellectuelles
Les questions que le numérique pose à la science ne sont pas entièrement nouvelles : elles prennent corps à partir d’un fonds que l’on peut faire remonter au moins à l’apparition de l’écriture dans le monde antique, c’est à dire aussi à la configuration du savoir académique – entendu ici au sens où il fait référence à l’académie de Platon. Ces questions, en mobilisant aujourd’hui aussi bien les historiens du savoir que les neurosciences, font apparaître que le devenir du cerveau semble être indissociable de celui des supports artificiels qui constituent les savoirs.
INTERVENANTS
Bernard Stiegler
Il n’y a guère de débats sur le fait que le numérique constitue une mutation épistémique et archiviologique – aux sens que Foucault accordait à ces mots – d’une ampleur comparable à la révolution de l’imprimerie, voire même à l’apparition de l’écriture alphabétique, comme l’affirmaient Simon Nora et Alain Minc en 1978. Deux types de raisonnements sont alors possibles :
– Soit on pose que la vie de l’esprit connaît un nouveau milieu auquel elle doit s’adapter, mais qui ne l’affecte pas de manière ontologique. – Soit, au contraire, partant du principe que la vie de l’esprit est essentiellement constituée par le rapport à son extériorité technique et par les processus d’intériorisation que celle-ci provoque en retour, on interroge les conditions d’une nouvelle vie de l’esprit.
C’est cette seconde position que nous défendrons d’un point de vue «pharmacologique», c’est-à-dire en soutenant que l’extériorisation technique peut toujours provoquer une atrophie de la vie de l’esprit, et que le rôle des structures académiques et des puissances publiques est de cultiver les thérapeutiques par où le pharmakon empoisonnant devient curatif.
Maryanne Wolf
L’évolution du Reading Brain au XXIè siècle : L’importance de savoir ce que nous ne savons pas.La capacité du cerveau à acquérir la maîtrise de la lecture complexe des circuits internes sous-jacents reflète une plasticité qui est très adaptable et influencée par des facteurs tels que différents systèmes d’écriture et différents médiums. Questions principales :
– Les reading brain, façonnés dans une culture de l’écrit, vont-ils être sensiblement modifiés par les exigences différentes d’une culture numérique ?
– La prochaine génération pourrait-elle «court-circuiter» le reading brain expert ?
RESSOURCES
David Bates
Penser l’automaticité sur le seuil du numérique
Je vais examiner les relations discursives et conceptuelles entre le réflex, l’habitude et la cognition automatique au moment historique où la pensée numérique est devenue possible. Mon analyse de ces premières théories de l’automaticité au seuil de l’ère du numérique démontrera à quel point l’idée d’un système radicalement «ouvert» a été cruciale pour la compréhension de l’automatique, nous donnant un point de vue critique sur le désir de modeler ou même de simuler la cognition avec les technologies numériques.
RESSOURCES
Warren Sack
L’écriture d’un programme est différente de la rédaction d’un texte de prose et pourtant …
Alors que la programmation informatique est analogue à des formes antérieures de l’écriture, elle est seulement analogue. L’analogie est la même que celle d’une lettre comparée à une discussion au téléphone, ou, aussi similaire que celle entre un roman et un film réalisé à partir d’un roman.
En examinant quelques-unes des différences entre les langages humains et les langages de programmation informatique, je veux développer cette analogie et en chercher les fissures.
RESSOURCES