Technologies industrielles de la connaissance et individuation collective
La numérisation généralisée affecte désormais massivement toutes les formes de savoirs, pratiques et théoriques, de la vie quotidienne aux mondes académiques. En pénétrant tous les milieux symboliques, elle installe l’industrialisation et la monétisation dans toutes les dimensions de la relation sociale en mettant en oeuvre des technologies de transindividuation. Elles modifient le devenir de la langue et plus généralement les processus d’individuation collective, alors que le nouvel espace de publication constitué par le web, forme, pour les institutions de savoirs, leur chose publique – leur res publica : leur «république du numérique».
INTERVENANTS
Frédéric Kaplan
Comment le capitalisme linguistique transforme la langue.
L’histoire de Google pourrait se résumer en deux algorithmes : l’un, qui permet de trouver des pages répondant à certains mots, l’a rendu populaire; l’autre, qui affecte à ces mots une valeur marchande, l’a rendu riche.
Ce jeu d’enchères rapporte chaque année des dizaines de milliards de dollars. La découverte de ce territoire du capitalisme jusqu’ici ignoré ouvre un nouveau champ de bataille économique. L’utilisation du langage est désormais l’objet de toutes les convoitises. Nul doute qu’il ne faudra que peu de temps avant que la langue elle-même s’en trouve transformée.
RESSOURCES
Harry Halpin
De l’esprit étendu à l’intelligence collective.
Andy Clark soutient l’hypothèse que les limites de l’esprit s’étendent en dehors du corps et dans un environnement. Est-ce que le Web étendra l’esprit, et si oui, sous quelles conditions?
S’appuyant sur les travaux de Hutchins, Maturana, et Vygotsky, le resserrement de la co-évolution des assemblages sociotechnological dans un temps de latence faible est la promesse d’un nouveau type d’intelligence collective, un changement, politiquement et ontologiquement, déstabilisant et plein de promesses.
RESSOURCES
Alain Giffard
Détournement de l’attention et exercice de lecture.
La rhétorique a défini l’attention comme condition générale de réception du discours, mais aussi comme une question technologique majeure dans un cas précis: lorsqu’elle est l’objet d’un conflit. Le conflit des attentions se résout par l’insinuation, ou détournement de l’attention.
L’économie moderne voit le triomphe de la rhétorique de l’attention, et du détournement, en trois étapes : l’économie des médias, la publicité, et les économies numériques de l’attention. Dans la culture classique, la lecture ne se réduit pas à un acte; et elle n’a pas sa finalité en elle même. Exercice et art des commencements, elle entraîne le lecteur à maîtriser son attention en vue de la réflexion et de la vie de l’esprit (Proust).
On examine ici, dans cette double perspective, la question des relations entre attention et lecture numérique, relancée récemment par les travaux des psychologues et neurologues.